Relation, fonction, application, injection, sujection et bijection

Nous allons étudier ici, les concepts de relation, fonction, application, injection, surjection et de bijection avec un exemple très général ne faisant appel à aucune structure numérique. Pour cela j'ai choisi de reprendre une carte montrant les principales villes de France ainsi que certains des principaux cours d'eau (les picards seront ravis de remarquer que la somme n'est pas considérée comme assez importante pour y figurer : "Ben ché comm'au, pi ché point autremin").
Cet exemple montre la généralité totale des définitions ensemblistes concernant les concepts cités plus haut. Exception faite du Picard, qui bien qu'ensembliste, est totalement hors sujet ;).

Relation

Une relation d'un ensemble $V$ vers un ensemble $C$ est défini comme un sous-ensemble $G$ (appelé graphe (à ne pas confondre avec représentation graphique)) du produit cartésien $V \times C$ tel que pour tout $x \in V$ et $y \in C$, $x$ est en relation avec $y$ (noté $x\Re y$) signifie que $\left( {x,y} \right) \in G$. Rappelons que $V \times C$ est l'ensemble de toutes les possibilités de couples ayant comme première coordonnée un élément de l'ensemble $V$ et en deuxième un élément de l'ensemble $C$.
Donc dans notre exemple, si l'on considère $V$ l'ensemble des 45 villes de la carte et $C$ celui des 18 cours d'eau, $V \times C$ est constitué de $45 \times 18 = 810$ couples. Par exemple, $\left( Amiens, Seine \right)$ fait partie de $V \times C$. Mais attention, il ne fait pas partie de $G$ comme nous allons le voir après la carte.

Figure 1 : http://www.cartes-de-france.fr/carte_france_ville.html

La ville "$x$ est sur le cours d'eau $y$" est une relation entre l'ensemble des villes $V = \left\{ {Calais,Lille,Amiens,Rouen,Paris, \ldots ,Avignon,Perpignan} \right\}$ et l'ensemble des cours d'eau $C = \left\{ {Seine,Oise,Meuse,Moselle, \ldots ,Tarn,Rhône} \right\}$. Cette relation est définie par le graphe suivant :
$G = \left\{ \begin{array}{l}
\left( {Rouen,Seine} \right),\left( {Paris,Seine} \right),\left( {{\mathop{\rm Re}\nolimits} nnes,Vilaine} \right),\left( {Nantes,Loire} \right),\left( {Metz,Moselle} \right),\\
\left( {Tours,Cher} \right),\left( {Tours,Loire} \right),\left( {Limoges,Vienne} \right),\left( {Mâcon,Saone} \right),\left( {Lyon,Saone} \right),\\
\left( {Lyon,Rhône} \right),\left( {Grenoble,Isère} \right),\left( {Avignon,Rhône} \right),\left( {Avignon,Durance} \right),\\
\left( {Bordeaux,Garonne} \right),\left( {Toulouse,Garonne} \right)
\end{array} \right\}$
Figure 2 : Représentation partielle de la relation : La ville "$x$ est sur le cours d'eau $y$"
Rem : La relation réciproque est "Le cours d'eau $y$ traverse la ville $x$".

L'un des problèmes que pose un telle relation, c'est qu'on ne peut pas être certain du résultat de l'image de Lyon. En effet, si l'on note $f$, le processus qui permet de partir de Lyon et d'arriver vers un cours d'eau, à quoi est égal $f \left( Lyon \right)$ ?
Imaginez que lorsque vous vous servez d'une calculatrice, elle vous donne tantôt un résultat, tantôt un autre. Votre premier réflexe serait de vous dire qu'elle dysfonctionne. Comment faire des mathématiques dans de telles conditions ? D'où la naissance du concept suivant.

Fonction de $\Re :{V_1} \to C$

Nous venons de voir que le concept de relation, bien que très puissant, est trop générale pour opérer correctement en mathématique. Il faut donc lui ajouter des contraintes afin d'éviter d'avoir des villes dont partent plusieurs flèches.
Pour cela il suffit de supprimer les villes qui sont sur plusieurs cours d'eau (Tours, Lyon et Avignon) pour que notre relation devienne fonctionnelle.
Ainsi si l'on considère maintenant $V_1$ l'ensemble des villes privé de Tours, Lyon et Avignon, la relation allant de $V_1=V\backslash \left\{ Tours,Lyon,Avignon \right\}$ vers $C$ est bien une relation fonctionnelle (appelée fonction). On dit que l'on a fait une restriction de $\Re$ à "$V_1$" notée ${\Re _{\left| {{V_1}} \right.}}$.
Figure 3 : Représentation partielle de la fonction : $\Re :{V_1} \to C$

 

Application de $\Re :{V_2} \to C$

Maintenant que nous avons réglé les problèmes d'ambiguïtés, nous aimerions faire le tri entre les villes où nous sommes certains qu'il existe un cours d'eau associé et celles qui n'en ont pas. Cela pour éviter d'écrire des expressions qui n'existent pas comme les cours d'eau $f \left( Amiens \right)$ ou $f \left( Lille\right)$ (pour rester d'in ch'nord). En d'autre termes, nous voulons pouvoir appliquer (des calculs par exemple) des transformations sans ce reposer la question de l'existence de tels objets mathématique. C'est pourquoi, ces fonctions s'appellent tout simplement des applications.
Pour les obtenir, il suffit de restreindre encore l'ensemble de départ pour qu'il ne reste seulement que des villes qui sont forcément sur un (seul) cours d'eau. Donc en définissant $V_2 = \left\{Rouen,Paris,Limoges,Mâcon,Rennes,Nantes,Metz,Grenoble,Bordeaux,Toulouse \right\}$, on obtient bien une application de $V_2 \to C$.
Figure 4 : Représentation complète de l'application   $f :{V_2} \to C$

Rem : Sur ce genre de représentation, pour transformer une fonction en application, il suffit de supprimer tous les éléments de l'ensemble de départ qui ne sont pas reliés à certains éléments de l'ensemble d'arrivée.

$V_2$ s'appelle l'ensemble de définition ou le domaine de $f$ et $C$ s'appelle l'ensemble d'arrivée ou codomaine. Selon les cas, l'ensemble de définition peut correspondre à l'ensemble de départ $\left\{ \begin{array}{l}
\mathbb{R} \to \mathbb{R}\\
x \mapsto x^2
\end{array} \right.$, mais ce n'est pas toujours le cas $\left\{ \begin{array}{l}
\mathbb{R} \to \mathbb{R}\\
x \mapsto \sqrt{x}
\end{array} \right.$. Tout dépend si l'on considère une fonction ou bien directement d'une application.



Maintenant, pour construire le concept de bijection, il suffit de regarder de près ce qui se passe quand vous comptez le nombre d'objets constituant une collection finie ou bien d'imaginer quelles seraient les contraintes à ajouter à cette application pour que sa réciproque soit également une application. Pourquoi me direz-vous ? Tout simplement pour pouvoir vous en servir dans n'importe quel sens.

Application injective

Si l'on veut que la relation réciproque soit fonctionnelle, on pourrait retirer tous les cours d'eau qui passent par plusieurs villes (Seine, Garonne, Loire) mais dans ce cas la fonction ne serait plus une application car les villes de Rouen, Paris, Bordeaux et Toulouse ne seraient plus en relation avec un cours d'eau. L'autre possibilité est de supprimer plutôt certaines villes pour que plusieurs flèches ne pointent pas sur un même cours d'eau. Par exemple, il suffit de supprimer Paris ou Rouen et Bordeaux ou Toulouse. Nous avons donc quatre possibilités au total. En choisissant par exemple de supprimer Rouen et Toulouse, on obtient l'application injective suivante :
Figure 5 : Représentation complète de l'application injective   $f :{V_3} \to C$

Mathématiquement, une application $f$ est une injection de $V$ dans $C$, quand $\forall {v_1},{v_2} \in V,{v_1} \ne {v_2} \Rightarrow f\left( {{v_1}} \right) \ne f\left( {{v_2}} \right)$, ou ce qui revient au même, quand $\forall {v_1},{v_2} \in V,f\left( {{v_1}} \right) = f\left( {{v_2}} \right) \Rightarrow {v_1} = {v_2}$.

Attention : $f\left( v_1 \right) \ne f\left( v_2 \right) \Rightarrow v_1 \ne v_2$ n'est pas une bonne condition car elle ne permet pas de détecter deux flèches qui pointent vers le même cours d'eau, mais deux flèches qui partent d'une même ville (cf. fonction). Il s'agit de la réciproque de l'injection.

Vous voyez que si l'on considère la réciproque de cette application, nous avons bien maintenant une fonction de $f :C \to V_2$ mais pas une application puisqu'il existe des cours d'eau n'ayant pas de ville associée. Cela nous amène à la contrainte suivante.

Application surjective

Que ce passerait-il si en partant de l'application quelconque (Figure 4) l'on supprimait tous les cours d'eau qui ne passent pas par une ville afin que la relation réciproque soit défini partout. On obtiendrait l'application suivante :

Figure 6 : Représentation complète de l'application surjective   $f :{V_2} \to C_1$
On dit que l'application est surjective. On remarquera que cette application n'est pas injective puisqu'on est parti de la figure 4 et non de la figure 5. Cela pour bien vous montrer que les notions d'injection et de surjection sont bien indépendantes l'une de l'autre. Le problème, c'est que la relation réciproque n'est plus fonctionnelle maintenant. Qu'à cela ne tienne, en partant non pas d'une application quelconque mais d'une application injective (Figure 5) et en ajoutant la contrainte de surjectivité, nous arriverons à nos fins.

$C_1$ s'appelle l'ensemble image de $V_2$ par $f$, ou plus simplement l'image de $V_2$ par $f$. Il est noté $f\left( V_2 \right)$ ou $f\left\langle {{V_2}} \right\rangle$. Attention de ne pas confondre l'ensemble image et le codomaine. Selon les cas, l'ensemble image peut correspondre à l'ensemble d'arrivée $\left\{ \begin{array}{l}
\mathbb{R} \to \mathbb{R}\\
x \mapsto x^3
\end{array} \right.$, mais ce n'est pas toujours le cas $\left\{ \begin{array}{l}
\mathbb{R} \to \mathbb{R}\\
x \mapsto x^2
\end{array} \right.$.

Rem : pour obtenir une application surjective, on fait subir à l'ensemble d'arrivée le même type de restriction que celui que l'on a fait tout à l'heure sur l'ensemble de départ pour passer d'une fonction à une application.

Application bijective

Finalement, en combinant les deux contraintes d'injection et de surjection, on fabrique une application dont la relation réciproque est également une application. On dit que cette application est bijective (doublement "jective" : in et sur), ce qui est bien sûr également le cas de l'application réciproque (notée : $f^{-1}$).
Figure 7 : représentation de la bijection   $f :{V_3} \to C_1$ et de sa réciproque   $f^{-1}:{V_3} \to C_1$

Rem1 : On voit bien que les concepts de fonction, application, injection, surjection et bijection dépendent non seulement de la relation en tant que telle, mais également des ensembles choisis. Dans l'absolu il faudrait donc toujours spécifier les ensembles en question. Cependant, dans la pratique, certains auteurs ne définissent pas explicitement ces derniers.

Rem2 : Il faut trois choses pour définir correctement une fonction :
  1. l'ensemble de dépard
  2. l'ensemble d'arrivée
  3. le graphe ou la règle (expression mathématique)

Conseil : revoir les concepts de fonction, application, injection, surjection et bijection avec des exemples concrets plus mathématiques comme par exemple : $x \mapsto x^2$, $x \mapsto \sqrt x $, etc.

Utilisations possibles

Démontrer que deux ensembles (finis ou infinis) ont même cardinal. Pour cela, il suffit de montrer que la relation et sa réciproque sont des applications. Autrement dit, pour tout points d'un ensemble, on a un seul point correspondant dans l'autre ensemble et inversement.

1 commentaire:

  1. Johanna-Marie SILVESTRI16 août 2018 à 10:10

    J'avais jamais lu d'explications aussi claires
    merci

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