Dénombrer un ensemble infini

L'une des idées géniales qu'a eu CANTOR, c'est d'appliquer le processus de comptage, jusque là réservé aux ensembles finis, sur des ensembles non finis tels que $\mathbb{N}$, $2\mathbb{N}$, $\mathbb{Z}$ ou $\mathbb{Q}$.
En posant qu'un ensemble est dénombrable quand il peut être mis en bijection avec $\mathbb{N}$, CANTOR ne fait qu'appliquer le processus de comptage utilisé depuis que l'homme sait compter. La seule "petite" différence, c'est seulement que quand on compte une collection finie d'objets, on fait une bijection avec $\left[\kern-0.15em\left[ {1;\;n} \right]\kern-0.15em\right]$ et non avec $\mathbb{N}^*$ ou bien $\mathbb{N}$.
On remarquera que l'on peut choisir n'importe lequel de ces deux derniers ensemble puisqu'il est facile de faire une bijection entre $\mathbb{N}$ et $\mathbb{N}^*$. En effet, l'application $n \mapsto n - 1$ est une bijection de $\mathbb{N}^*$ vers $\mathbb{N}$.

À partir de maintenant, on peut donc résoudre le paradoxe qu'avait remarqué Galilée comme quoi les nombres pairs ne sont pas moins nombreux que les nombres entiers naturels. En effet, comme l'application de $n \mapsto 2n$ est une bijection de $\mathbb{N}$ dans $\mathbb{2N}$, on en déduit que ces deux ensembles ont le même cardinal. CANTOR représentera ce dernier par la première lettre de l'alphabet Hébreu Aleph suivie de l'indice 0 : $\aleph _0$. On écrit $\left| \mathbb{N} \right| = \left| \mathbb{N}^* \right| = \aleph _0$.

De même avec l'application $f\left( n \right)\left\{ \begin{array}{l}
  \frac{n}{2}\;\;{\rm{si}}\;n\;{\rm{est}}\;{\rm{pair}}\\
  - \frac{{n + 1}}{2}\;{\rm{si}}\;n\;{\rm{est}}\;{\rm{impair}}
\end{array} \right.$ qui est une bijection de $\mathbb{N}$ vers $\mathbb{Z}$, on prouve que les entiers relatifs sont également dénombrables. $\left| \mathbb{Z} \right| = \aleph _0$.
Voici deux représentations différentes de cette application :


  
Rem1 : Cette application peut aussi s'écrire sans être définie par partie. Par exemple avec la fonction "partie entière" $E$, on a $f\left( n \right) =\left( -1 \right)^n E\left( \frac{1}{2}\left( {n + 1} \right) \right)$.
Ou bien pour ceux qui aiment la difficulté, on a aussi  $f\left( n \right) =\left( -1 \right)^n \frac{n}{2} - \frac{1 - \left( -1 \right)^n}{4}$.
La démarche pour trouver la dernière forme est la suivante :
Quand $n$ est impair $f_1\left( n \right) =  - \frac{n + 1}{2} =  - \frac{n}{2} - \frac{1}{2}$, or quand $n$ est pair $f_2\left( n \right) =   \frac{n}{2}$. On remarque que les deux expressions sont très proches l'une de l'autre. De plus, sachant que $\left( -1 \right)^n = \pm 1$ selon la parité de $n$, on obtient $f_1\left( n \right) =  \left( -1 \right)^n \frac{n}{2}$ et $f_2\left( n \right) =  \left( -1 \right)^n \frac{n}{2} - \frac{1}{2}$. Enfin, il faut penser à une expression comme $1 - \left( -1 \right)^n$ pour pouvoir faire apparaître alternativement $0$ et un nombre entier. Pour terminer, comme la dernière expression donne $0$ ou bien $2$ au lieu de $0$ ou bien $\frac{1}{2}$, il suffit de la diviser par $4$ pour obtenir ce que l'on veut.

Important : Bien que les manipulations algébriques donnent à penser que l'on fait plus de mathématiques, ce n'est vraiment pas le plus important. En effet, ce qui nous importe ici, c'est simplement de trouver une façon de compter les nombres entiers relatifs de façon à ne pas être "aspiré" par l'un des deux côtés infinis sans pouvoir revenir vers l'autre. Par exemple, il est impossible de partir de la gauche ou de la droite puisqu'il n'y a pas de début ou bien de se diriger uniquement vers l'un des deux côtés puis de revenir faire l'autre. Il faut donc trouver une façon qui nous permette de passer par tous les nombres une seule fois en allant tranquillement vers "un seul infini" comme pour $\mathbb{N}$. D'où cette idée d'alterner de part et d'autre de $0$.

Le sentiment induit par cette simplicité apparente est, de mon point de vue, très dérangeant quand on découvre le travail de CANTOR. Ce côté trop simple, voir simpliste que certains de ces détracteurs lui reprochent l'avait aussi interpelé puisqu'il en fera part à son ami DEDEKIND concernant la bijection entre un carré et l'un de ses côtés.

Rem2 : On n'est pas obligé de partir de $0$ et n'importe quel autre nombre entier relatif aurait fait l'affaire. On aurait même pu alterner tous les 2, 3 ou "n" nombres sans que cela ne change quoi que ce soit au processus de dénombrement.

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